George Sand et la Dame à la Licorne
La re-découvreuse des tapisseries
George Sand a joué un rôle majeur dans la redécouverte et la des tapisseries de la Dame à la Licorne au XIXème siècle.
Elle contribua à les faire connaître au grand public et réalisa plusieurs écrits sur ce thème : « Jeanne » – Roman (1844), « Un coin du Berry et de la Marche » – article dans le Journal « L’illustration » (1847), « Journal d’un voyageur pendant la guerre » (le 3 octobre 1870).
Ci dessus : La Tapisserie du Toucher, au Musée de Cluny (Paris)
Prosper Mérimée eut aussi son rôle. Notre inspecteur des monuments historiques depuis le 7 mai 1834, et amant fugace de notre écrivaine en 1833 fut alerté par George lors de sa tournée dans la Creuse en juillet 1841 de la beauté et de la qualité des tapisseries, et classa l’ensemble des panneaux à l’inventaire.
Dans sa correspondance, Prosper indique qu’il en existait d’autres « plus belles, me dit le maire, mais l’ex propriétaire du château – il appartient aujourd’hui à la ville – un comte de Carbonière (sic) les découpa pour en couvrir des charrettes et en faire des tapis ». La question est de savoir si les tapisseries découpées faisaient partie des tentures de la Dame à la Licorne ou s’il s’agissait d’autres tapisseries (texte issu de Correspondance, Paris, Le Divan, 1943).
Ci dessus : Boussac, Bourganeuf et Aubusson
Ci dessus : Prosper Mérimée
Notre bonne dame de Nohant aimait explorer ce pays et séjournait régulièrement dans diverses propriétés de l’Indre et de la Creuse. Parmi elles, sa chambre au château de Boussac (devenu sous-préfecture en 1838) est l’une de ses favorites. George fit plusieurs séjours dès 1835 et sa chambre était voisine des pièces où se trouvaient les tentures (l’appartement et le bureau du sous-préfet). C’est elle qui découvrit les tapisseries cachées derrière des panneaux de bois qui en couvraient les murs.
Ci dessus : Le Château de Boussac, côté ravin. Photographie Julien Delanssays
Ci dessus : Le Château de Boussac, côté jardin. Photographie Julien Delanssays
Dans son Roman « Jeanne » de 1844, George décrit ce château comme « irrégulier, gracieux et coquet dans sa simplicité ». La même année, elle y mène son ami Pierre Leroux, et consacrera ensuite un long article en 1847 sur les tentures dans le magasine « l’Illustration ».
Dans ce texte, Maurice, son fils, a dessiné les dames du Toucher, de l’Odorat et du Goût.
Elle indique dans cet article passionnant qu’il existait bien 8 tapisseries. Hors, seulement six entrent au Musée de Cluny en 1883. On y apprend qu’en 1847 les tentures sont en restauration à Aubusson et que notre écrivaine préférerait qu’on en fit des copies pour la capitale et que l’on les laisse « dans leur jus » à Boussac « parce que non partisane de l’accaparement un peu arbitraire, dans les capitales, des richesses d’art […], j’aime à voir ces monuments en leur lieu« . Elle nomme le prince Djem (ou Zizim) comme le créateur des cartons originels et décrit succinctement les deux tapisseries perdues.
Cet article est une source d’informations et d’inspirations magnifique pour tous les amoureux de la Dame à la Licorne (Voir ci dessous).
Julien Delanssays
Ci dessus : La Tour Zizim à Bourganeuf. Photographies Julien Delanssays (c)
Un coin du Berry et de la Marche (1847)
Magasine « L’Illustration »
Consulter en ligne l’article : https://fr.wikisource.org/wiki/Berry/3
A gauche : Une de L’illustration du 3 Juillet 1847 avec l’article des tapisseries de la Dame à la Licorne.
Ci dessous : Photographie de George Sand
Jeanne (1844)
« La plus belle décoration de ce salon était sans contredit ces curieuses tapisseries énigmatiques que l’on voit encore aujourd’hui dans le château de Boussac et que l’on suppose avoir été apportées d’Orient par Zizime et avoir décoré la tour de Bourganeuf (…) Ces tableaux ouvragés sont des chefs d’œuvre et, si je ne me trompe, une page historique fort curieuse ».
Ci dessus : Jeanne soustrait aux flammes le corps de sa mère. Illustration de Tony Johannot, 1853.
A droite : Une du Constitutionnel du 25 avril 1844 avec le début du premier épisode de Jeanne.
Journal d’un voyageur pendant la guerre (1870)
3 octobre : La Dame à la licorne
« Ma petite chambre, si confortable, en apparence, est comme les autres lézardée en mille endroits (…). Le grand feu qu’on avait allumé dans la soirée continue de brûler, et jette une vive lueur. J’en profite pour regarder à loisir les trois panneaux de tapisserie du XVe siècle qui sont classés dans les monuments historiques. La tradition prétend qu’ils ont décoré la tour de Bourganeuf durant la captivité de Zizime. M. Adolphe Joanne croit qu’ils représentent des épisodes du roman de la Dame à la licorne. C’est probable, car la licorne est là, non passante ou rampante comme une pièce d’armoiries, mais donnant la réplique, presque la patte, à une femme mince, richement et bizarrement vêtue, qu’escorte une toute jeune fillette aussi plate et aussi mince que sa patronne. La licorne est blanche et de la grosseur d’un cheval. Dans un des tableaux, la dame prend des bijoux dans une cassette ; dans un autre, elle joue de l’orgue ; dans un troisième, elle va en guerre, portant un étendard aux plis cassants, tandis que la licorne tient sa lance en faisant la belle sur son train de derrière. Cette dame blonde et ténue est très mystérieuse, et tout d’abord elle a présenté hier à ma petite-fille l’aspect d’une fée. Ses costumes très variés sont d’un goût étrange, et j’ignore s’ils ont été de mode ou s’ils sont le fait du caprice de l’artiste. Je remarque une aigrette élevée qui n’est qu’un bouquet des cheveux rassemblés dans un ruban, comme une queue à pinceau plantée droit sur le front. Si nous étions encore sous l’empire, il faudrait proposer cette nouveauté aux dames de la cour, qui ont cherché avec tant de passion dans ces derniers temps des innovations désespérées. Tout s’épuisait, la fantaisie du costume comme les autres fantaisies. Comment ne s’est-on pas avisé de la queue de cheveux menaçant le ciel ? Il faut venir à Boussac, le plus petit chef-lieu d’arrondissement qui soit en France, pour découvrir ce moyen de plaire. En somme, ce n’est pas plus laid que tant de choses laides qui ont régné sans conteste, et d’ailleurs l’harmonie de ces tons fanés de la tapisserie rend toujours agréable ce qu’elle représente. »
Ci dessus : Chambre de George Sand au Château de Boussac. Photographies Julien Delanssays (c) Chateau de Boussac.